Par où commencer? Par une histoire, déformation professionnelle oblige… Alors voilà l’histoire d’un petit hamster à qui l’on demande de courir vite, toujours plus vite, pour faire tourner la roue de sa petite cage. Une jolie roue « qui est d’une importance capitale », lui serinent des gens importants pour le garder motivé. Car cette roue, paraît-il, génère assez d’électricité pour garder le monde éclairé. Un éclairage essentiel pour maintenir un tant soit peu la démocratie dans son pays.
Mais la vérité c’est que le hamster, on le tient pour acquis. Il est là depuis si longtemps. Du moins au Canada. Alors même si on lui demande de courir de plus en plus vite, on lui donne de moins en moins de nourriture. Et pourtant on s’attend à ce qu’il coure toujours et encore plus vite. On lui dit même qu’on ne financera pas les petits hamsters qui « ne sont pas viables ». Lui, bien décidé à vivre, court encore plus vite, toujours plus vite. Mais un jour, à bout d’énergie, il s’épuise, pousse un ultime soupir et meurt. Et le monde, autrefois si bien éclairé, plonge dans une obscurité abyssale.
Voilà comment pourrait finir l’histoire de la presse écrite au 21e siècle. Les journalistes doivent en faire toujours plus avec toujours moins. Et pourtant, des gens bien importants leur répètent qu’ils jouent un rôle inestimable.
Les politiciens au pouvoir se suivent et se ressemblent. Depuis plus d’une décennie, ils regardent les salles de nouvelles se vider de professionnels compétents. Ils conviennent aisément que les journalistes sont essentiels à la démocratie. Les gouvernements successifs se donnent bonne conscience en mettant des comités en place, chargés de nous dire ce que l’on sait déjà : que le journalisme de qualité est aussi vital pour une démocratie « que l’air pur, les rues sécuritaires, les bonnes écoles et la santé publique ».1 Alors comité après comité, le temps passe et les éditeurs sont contraints de mettre leur personnel à pied, faute de moyens.
Les budgets publicitaires gouvernementaux, autrefois destinés aux journaux, sont désormais siphonnés par Facebook et Google. Et comble de l’inconséquence de nos dirigeants, le Canada se garde bien de légiférer pour taxer ces géants américains qui engloutissent, saison après saison, les revenus qui servaient à financer des journalistes d’enquête, des reporters capables de couvrir au quotidien les conseils de ville, d’écoles, les sessions parlementaires et qui pouvaient demander aux politiciens de rendre des comptes aux citoyens et citoyennes qui les avaient élus.
Quand vient le temps de soutenir la presse écrite, les grands responsables sont aux abonnés absents. Les politiciens expliquent tour à tour qu’ils annoncent sur Facebook et Google car c’est là que se trouve leur public. Ils soutiennent, en toute incohérence, des plateformes numériques qui propagent des fausses nouvelles et qui se nourrissent en toute impunité des vraies nouvelles générées par des journaux sérieux.
Les élites s’offusquent qu’en 2017, 63 % des Canadiens et Canadiennes n’arrivaient pas à faire la différence entre vraies nouvelles et fausses nouvelles.2 Pourtant huit personnes sur 10 au Canada disent qu’ils lisent encore un journal, imprimé ou en ligne, par semaine.3
À la lumière de ces chiffres, du 1er au 7 octobre, La Liberté, seul journal de langue française au Manitoba, s’est engagée, aux côtés d’au moins 400 journaux canadiens, à défendre haut et fort le rôle de la presse. Une presse bien sûr fondée sur la force d’un journalisme de qualité. Sur cette attitude d’exigence essentielle pour comprendre les enjeux de société, pour grandir comme citoyen dans un pays libre. Et donc pour s’assurer que les personnes au pouvoir restent imputables de leurs paroles et soient tenues responsables de leurs actes.
Cette semaine, et #MaintenantPlusQueJamais, l’équipe de La Liberté va vous demander d’utiliser les médias sociaux et toute plateforme ou forme d’expression à votre disposition pour témoigner de l’importance que le journalisme de qualité représente dans votre vie.
Vous qui comprenez cette exigence pour maintenir en santé nos sociétés démocratiques, lancez un vrai message d’amour aux journalistes du pays. Gazouillez @LaLiberte et @NewsMediaCanada #MonJournalAvantTout, aimez, écrivez, criez, chantez, peignez … et envoyez-nous s’il vous plait votre message sous la forme de votre choix à la-liberte@la-liberte.mb.ca. Prenez-vous en photo avec votre journal préféré et envoyez-la nous!
Si vous croyez, vous aussi, que le journalisme de qualité « est aussi important que l’air pur », alors donnez aux journalistes un petit peu d’oxygène en retour. Avant qu’ils ne s’essoufflent et subissent le sort du vaillant petit hamster.
(1) Source : Le Miroir éclaté
(2) Sondage mené par Ipsos-Reid en 2017
(3) Source : Médias d’Info Canada
Chronique rédigée par :
Sophie Gaulin, Directrice et rédactrice en chef
La Liberté
Saint-Boniface, MB
www.la-liberte.ca