Le 3 mars 2021, le responsable de la politique publique de Facebook pour le Canada, Kevin Chan, a été interviewé en ligne par Murad Hemmadi de The Logic. Médias d’info Canada souhaite répondre publiquement à certaines déclarations de M. Chan.
- Chan a affirmé lors de son entretien avec le journaliste de The Logic que les montants distribués aux éditeurs pour leur contenu qui est publié sur la plateforme de Facebook est de l’ordre de plusieurs centaines de millions de dollars.
Réponse de Médias d’info Canada : Facebook a déjà affirmé ceci à plusieurs reprises mais n’a jamais détaillé la méthode utilisée pour déterminer ces montants qui découleraient de la publication de ces contenus. Que cache Facebook en manquant ainsi de transparence ?
Nous tenons aussi à souligner que Facebook a incité les éditeurs à utiliser leur plateforme, créant ainsi une dépendance qui a conduit à une structure de pouvoir déséquilibrée. De plus, dans le contexte actuel, Facebook est une plateforme si puissante que les éditeurs de nouvelles n’ont pas d’autre choix que de l’utiliser.
Ce que M. Chan a omis de mentionner, c’est que Facebook est une société passerelle vers Internet au même titre que Google. Les deux sociétés sont également des passerelles monopolistiques, puisqu’il n’existe aucun choix comparable. Imaginez être un fabricant de pain et qu’il n’y a qu’un seul épicier dans le pays qui vous permet de vendre votre pain sur ses étagères, mais que celui-ci refuse de vous payer. L’épicier vous dit que vous devez vous compter chanceux et qu’il vous fait une faveur qui vaut beaucoup d’argent. Si vous n’aimez pas ces conditions, vous n’avez pas d’autre choix, car c’est le seul épicier disponible. Voilà comment on peut savoir qu’il y a un monopole qui doit être réglementé.
- Chan a déclaré qu’il n’y a pas encore eu de négociations avec les éditeurs de presse canadiens.
Réponse de Médias d’info Canada : Les éditeurs de nouvelles canadiens et le ministre conviennent qu’une législation est nécessaire pour garantir des négociations équitables et un code de conduite. En Australie, Facebook a proféré des menaces mais a finalement accepté d’indemniser les éditeurs de presse. Ce comportement montre que Facebook ne veut pas payer de son plein gré et ne viendra à la table des négociations que lorsque la législation sera adoptée. Il y a un an, les éditeurs canadiens avaient rencontré M. Chan qui avait alors dit que la législation australienne ne verrait pas le jour au Canada.
- Dans l’interview qu’il a accordé à The Logic, M. Chan a refusé de divulguer quelle part de l’engagement de 1 milliards de dollars de Facebook affectés au financement de contenus de nouvelles ira aux éditeurs de nouvelles canadiens.
Réponse de Médias d’info Canada : Il est décevant que Facebook ne puisse pas fournir le montant approximatif qu’il a l’intention de payer pour le contenu canadien. Étant donné que Facebook vante haut et fort la valeur qui découle aux éditeurs du fait de publier du contenu sur Facebook, il est difficile de comprendre pourquoi la plateforme est incapable de quantifier la valeur de ces contenus pour elle. Facebook refuse encore une fois d’être transparent. Un monopole non transparent est un monopole qui devrait être réglementé.
- Enfin, M. Chan a déclaré à Murad Hemmadi que si un cadre réglementaire ne fonctionne pas pour une plateforme dans un certain marché (faisant référence à la législation australienne), alors une réponse appropriée pourrait être de ne plus participer à ce marché de l’information.
Réponse de Médias d’info Canada : Il est extrêmement préoccupant que Facebook pense que sortir du marché canadien est une option viable si elle n’aime pas les mesures que le gouvernement canadien prévoit de prendre pour forcer Facebook et Google à payer pour le contenu qu’ils utilisent sur leurs plateformes. C’est un signe clair que ceux-ci sont plus que disposés à utiliser leurs pouvoirs sur le marché pour tenter d’intimider le gouvernement fédéral. Le Premier ministre australien l’a bien dit en déclarant que ces géants étaient peut-être en train de changer le monde, mais qu’ils ne devraient pas diriger le monde. Les nations souveraines comme le Canada refusent de se soumettre au chantage des monopoles américains.
Médias d’info Canada soutient les intentions du gouvernement canadien à rectifier enfin le déséquilibre de pouvoir entre les médias d’information et les géants technologiques Facebook et Google et à forcer ces entreprises de médias sociaux à payer les éditeurs de façon équitable pour l’utilisation de leur contenu.